En savoir plus sur la cyberdépendance

(Source : synthèse par Grégoire van de Werve d’un entretien avec Serge Minet
« La dépendance aux écrans », Ichec 2006-2007 )


Avant de parler réellement de dépendance, il faut d’abord dégager une réalité sociétale : l’écran vient prendre une place considérable dans la vie familiale. Depuis l’apparition des écrans, notre environnement est modifié constamment par l’image. Par exemple dans certains foyers, la télévision a pris une telle place qu’elle agit comme une sorte « d’écran » qui peut empêcher la communication entre les membres de la famille.
On remarque aussi que les enfants sont très tôt confrontés aux images et deviennent acteurs de ces images notamment par le biais des jeux : l’enfant devient très vite maître de l’image, il la choisit soit grâce à une manette ou une télécommande. On peut aujourd’hui transformer son choix de l’image d’une part et on peut transformer l’image elle-même au travers de jeux. L’enfant devient en quelque sorte son propre créateur de l’image.
La position de l’image a changé. Elle n’est plus ce que l’on regarde mais plutôt ce que l’on transforme. On est capable aujourd’hui de la transformer au point d’en devenir créateur (metteur en scène), acteur et diffuseur.

Une autre fonction de l’image est le moyen de transport. Elle permet de se véhiculer extrêmement rapidement, de faire des rencontres à l’autre bout du monde, de s’évader avec d’autres dans une espèce de communauté multiple tout en gardant son isolement et sa solitude.

Enfin, le regard des autres nous a toujours donné une image de nous-mêmes. Mais aujourd’hui, ce regard d’autrui n’est plus indispensable pour forger notre propre image. Il nous est possible de la reconstruire au travers de l’image que nous pouvons intégrer dans un jeu ou dans une personnalité fictive sur Internet. On peut s’identifier à des images virtuelles qu’on construit et auxquelles on a envie de ressembler.
Dans notre société, les machines et les ordinateurs sont devenus des équivalents humains. La machine renvoie indirectement toutes sortes de sensations et d’émotions venant d’autres personnes qu’on ne voit pas. Lorsque la séparation devient difficile voire impossible avec la machine, on peut se poser différentes questions sur les risques d’une potentielle dépendance.

Internet peut devenir l’écran dans lequel on peut projeter nos angoisses, nos questions, nos problèmes, c’est ainsi que nous parlons de « refuge », lorsque nous nous sentons protégé, par exemple, d’une tension familiale ou de l’autorité parentale.
C’est l’homme qui a le choix de sa relation avec la machine. La disponibilité d’Internet est totale (24 heures sur 24) et personne ne peut venir rompre cette relation ; la séparation peut y être vécue avec difficultés.
Il peut arriver que le joueur n’ait plus la liberté d’arrêter ou de contrôler le jeu ou d’autres activités liées à l’ordinateur. Des conséquences personnelles, familiales, sociales peuvent alors perturber la vie.
On parlera donc de « dépendance » lorsque l’absence de liberté par rapport à la machine se présente simultanément avec des conséquences sociales, familiales, psychologiques et des signes de manque comme l’agressivité et la déprime.

Les jeunes sont plus facilement mis en contact avec les ordinateurs et Internet. Ce sont des instruments d’apprentissage et de loisirs qu’ils trouvent à l’école et aussi à la maison. Ils leur permettent non seulement de se sociabiliser mais aussi de développer des compétences cognitives. Ils apprennent à réfléchir autrement, en trois dimensions. Internet nous permet de forger autrement notre intelligence. A force de surfer et jouer, on peut déduire, anticiper, imaginer et essayer d’appréhender des réponses à ce que l’on est entrain de faire virtuellement. On apprend aussi à gérer plusieurs choses à la fois (chatter, écouter de la musique, taper un texte, etc.)
L’avantage pour les adolescents, c’est que cet instrument permet de traiter l’angoisse de la puberté du jeune, de l’enfant qui grandit en répondant à des questions un peu taboues (ex : sexualité).
C’est un outil très rapide qui permet aux jeunes de communiquer très rapidement. Il n’y a plus d’attente de la réponse de l’autre, ce qui ne permet plus de fantasmer car les réponses sont immédiates. Il n’y a pas de suspension dans la relation et on refuse la frustration.

La clé à posséder lors d’un comportement excessif vis-à-vis de la machine est d’être maître de son temps ; il faut savoir gérer son temps devant la machine. Maintenant, chacun en fonction de son caractère est capable de discerner un comportement excessif ou non. Avoir le contrôle du temps, c’est être dans la réalité. Malheureusement les dépendances de l’excès sont toujours intemporelles et ne s’inscrivent plus dans la réalité.

D’un côté, il y a les bienfaits relationnels d’Internet, et de l’autre la violence que ce média peut apporter. Mais entre ces deux pôles, ce n’est pas Internet qui a un problème, c’est la manière dont les gens le vivent et l’utilisent.
Cependant, les jeux violents ou images violentes peuvent faciliter tout de même le développement de réflexes par rapport à cette violence.
Les deux plus grands dangers d’une dépendance sont le repliement (s’enfermer dans une bulle) sur soi et la confusion entre le virtuel et le réel. Ceci peut apparaître surtout chez les jeunes adolescents de 11 à 14 ans.
L’isolement relationnel est la cause du repli sur le jeu. Le jeu va entretenir cet isolement relationnel mais va amener aussi l’individu à se replier sur soi, à n’exister plus que virtuellement. Un autre risque évident est l’agressivité et la violence.